Un véritable gentilhomme aurait cédé
sa selle pour rester sur le guidon
tel Pan, Minotaure ou Cupidon,
debout, en danseuse sur ses pédales,
"sabre au clair",
au garde-à-vous,
pour offrir à son illustre passagère
une sécurisante poignée où se cramponner.
Savourant avec délice, l'honneur et le plaisir
comme l'immense privilège accordé
d'être aussi joliment accompagné.
.
A mes deux danseuses orientales
du "Privilège" Avenue de l'Opéra, Métro Pyramide,
déposées en cette torride nuit d'Août 1996,
sur le parvis de l'illustre George V.
.
Vous rappelez-vous de notre magique balade nocturne
où nous formions le temps d'un trajet
un incroyable trio, l'espace d'un instant, si remarqué,
de votre club privé à votre palace doré ?
.
Traversant l'avenue Gabriel,
sous les yeux écarquillés des CRS
sortis en fanfare de leur torpeur ,
en station dans leurs bus blindés
surveillant les arrières du palais.
.
Faute de guides plus avisé(e)s
nous empruntâmes à deux reprises
celle des Champs-Elysées,
sous le regard amusé des plantons en uniformes,
alignés tous les 10 m,
à bouffer du tuyau d'échappement
comme de géants oignons bleutés.
.
Je venais à peine de sortir,
heureuse mais éreintée
de mon chaud Show BDSM,
ce soir là au club Libertin Papillon, rue Saint Honoré,
où l'on se caresse, se flagelle, et l'on s'aime,
en toute liberté,
après celui du Cléopâtre du regretté Mr Roger,
dans le XIII ème, place d'Italie,
et celui du Don Juan, rue Marcadet,
à deux pas de la mairie du 18 ème,
à l'autre bout de Paris,
sans même avoir pris la peine de me changer,
au retour comme à l'aller.
.
En bottines retro de cuir vernis
à hauts talons-aiguilles,
dans mon cheongsam de rayonne bleu nuit
fendu sur les cotés,
laissant paraitre le haut de mes bas noirs si sexy
jusqu'aux fines jarretelles assorties,
à la taille soulignée
d'une guêpière-corset de satin cramoisi.
ayant commencé ma soirée
au Cyber-Café "La Souris Déglinguée"
avant qu'il ne devienne, quelques années après,
le club libertin "Nid Barbare",
aux alléchantes soirées.
.
Croisant votre chemin, par pur hasard,
vous voyant désespérées
en raison de l'absence du moindre Taxi,
bus de nuit ou tout autre véhicule,
quelle ne fût pas ma surprise,
de vous voir me prendre au mot,
en acceptant spontanément et comme par défit,
ma surréaliste proposition
de vous déposer où bon vous voudrez,
sans peur que je vous en... ,
sous les yeux effarés
du colosse en costard faisant office de portier.
.
Aussitôt dit, aussitôt fait.
L'une d'entre vous assise sur la selle
de mon vieux biclou tchèque couleur azur,
vos bras ceinturant voluptueusement ma taille de guêpe,
alors que nous avancions à vive allure,
pour être plus à votre aise,
vos pieds bien placés,
sur les cales de mobylette
spécialement ajoutées à cet effet
sur l'axe de moyeu Torpedo de ma roue arrière,
pendant la Grande Grèves des Transports
de Décembre 1995 à Janvier 1996,
où je ressuscitais à moi seule,
le temps d'une saison,
la vieille tradition des coursier(e)s
à vélo parisien(ne)s et des vélos-taxis. undefined
.
L'autre sirène assise en équilibre sur mon guidon,
vos talons callés sur mon porte-bagage,
en coquine figure de proue
rafraichissant sa moite intimité,
en l'exposant à tous les vents,
vous appuyiez votre dos de déesse contre ma poitrine,
m' de votre suave parfum d'opium et de henné.
.
Toutes deux en escarpins irisés,
vêtues de simples voiles diaphanes de soie et d'organza,
tandis que debout, je pédalais,
callée entre vous deux, inestimables beautés,
accrochant longtemps le regards des passant(e)s
et autres noctambules, partout où nous passions,
telle une merveilleuse apparition aussitôt oubliée
telle une flagrance ou un songe,
au réveil, trop vite dissipées.